Une sanction qui cache des lourdeurs administratives et un laxisme généralisé, trahit par un timing qui interroge.
Qui peut vouloir nous faire croire, que la Fifa et la Caf n’harmonisent pas leurs points de vue sur la gestion du football africain ? Qui va nous faire avaler, que Fatma Samoura, peut travailler pour la Fifa et la Caf en même temps, mais que pour une décision d’irrégularité sur un joueur africain, les deux institutions n’aient pas pu coordonner leur action ? C’est fort de café quand même !
Il y a quelques jours, une décision de la Fifa, concernant le footballeur Emilio Nsue, meilleur buteur de la dernière Can, laissait perplexe le monde entier. Une décision de suspension de six mois de l’International Equato-guinéen, de toutes les compétitions. Cette sanction banale a priori, beaucoup d’autres joueurs ayant parfois écopé des sanctions plus lourdes, cette sanction disais-je, a été amplifiée, par la raison rendue publique par l’instance faîtière du football mondial. Elle affirme, que Emilio Nsue, a illégalement joué pour la Guinée Equatoriale, depuis…11 ans ! Donc depuis une décennie, une errance administrative, a laissé un joueur amasser des titres et de l’argent sur les terrains, un laxisme de gestion, a laissé faire une incongruité, pour réapparaitre, ou mieux se réveiller, onze ans plus tard ! Vous croyez vraiment à cela ? Une institution, méticuleuse dans ses procédures comme la Fifa, arrogante dans ses décisions d’une « coercitivité » légendaire, n’a pas pu stopper ce qu’elle considère comme une irrégularité ? Laissez-moi rire ! Et d’ailleurs, la question qui vient tout de suite est : Qu’est-ce qui a donc subitement réveillé la Fifa ?
Les explications à la suite de la Fifa sont encore plus bluffantes.
Elle affirme que en 2013, elle avait déclaré Nsue inéligible pour jouer avec la sélection équato-guinéenne, et l’équipe avait même perdu deux matches par pénalités qu’il avait disputé lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2014. Comment a-t-il fait donc pour continuer à jouer avec la sélection sans problème ? Qui avait donné l’autorisation à la fédération guinéenne, puisque Nsue avait déjà fait carrière avec les équipes jeunes d’Espagne ? La Fifa affirme que la fédération guinéenne, avait fait la demande à la fédération espagnole, sans l’avoir envoyée à la Fifa. Non, mais je rêve ! Entre 2013 et 2024, Nsue a été transféré sept fois ! Des transferts qui transitent par les plateformes de la Fifa. Qu’est-ce qui y était mentionné sur son statut international ? Et même, les compétitions de la Caf qu’il disputait ne sont-elles pas sous la tutelle de la Fifa ? Et mieux encore, comment la Fédération Equato-Guinéenne qui avait été sanctionnée en 2013 pour cette irrégularité, a continué à utiliser le joueur, sans se soucier d’une autre sanction ? Soit elle a reçu un feu-vert, soit l’administration du football mondial est trop légère, et à ce niveau, permettez-moi d’en douter ! La Caf et la Fifa ont de puissants organes qui se rappellent du moindre carton jaune qui suspend un joueur au prochain match et le publie de façon systématique. Ce n’est pas un grossier faux comme celui-là, qui peut leur échapper. Et dire que les compétitions de la Caf se déroulent à l’exclusion du contrôle de la Fifa, est une thèse qui ne peut prospérer qu’au milieu des analphabètes du football. Que s’est-il donc passé ?
Je pense que c’est un agneau du sacrifice, consenti par les responsables de la fédération équato-guinéenne.
Les deux matches perdus sur tapis vert des éliminatoires du Mondial 2026 en cours, ou les 164 000 dollars d’amende infligés comme sanction à la fédération Equato-Guinéenne de football, ne peuvent pas me convaincre de la non implication de cette fédération au réveil subit de la Fifa sur le dossier Nsue. Souvenez-vous des derniers évènements dans cette sélection, survenus lors de la dernière Coupe d’Afrique des Nations en Côte d’Ivoire. Emilio Nsue et son coéquipier Ivan Salvador avaient été suspendus je cite, pour « Plusieurs épisodes d’indiscipline grave ». Il avait alors décidé, de lancer un violent assaut sur sa fédération et ses principaux responsables.
L’ancien joueur de Middlesbrough, Birmingham City, Apoel Nicosie, Apollon Limassol, formé à Majorque et jusque-là sociétaire de CF Intercity en troisième division espagnole, avait fait un live sur les réseaux sociaux, où il avait fait de graves révélations et attaqué violement les dirigeants de la fédération. Au cours de ce live, il avait accusé la fédération, d’avoir détourné un million d’Euros lors de la Can 2022 au Cameroun.
Il avait parlé de beaucoup de malversations, dont les factures non payées à l’hôtel de Malabo, le manque d’équipements pour les joueurs lors de la Can 2023, les joueurs qui dépensaient leur argent propre pour l’achat du matériel, le conflit entre le Ministère des sports et la fédération qui perturbait le groupe, qualifiant les dirigeants de la fédération au passage « d’analphabètes », de la corruption qui gangrène la fédération, bref de la déliquescence progressive du football Equato-Guinéen, à cause des dirigeants qu’il accusait de « cupidité ». Il a brossé un macabre et surprenant tableau au sein d’une équipe qui avait pourtant présenté un bon visage à la dernière Can. Le fait que la Fifa ressorte subitement ce dossier interroge, le timing avec ! Tout ressemble à une main invisible qui a décidé de détruire la carrière de Nsue, qui avait annoncé au passage qu’il ne mettrait plus pied dans cette sélection. Qui mieux que la fédération en interne, connait cette « irrégularité » autour de la qualification du joueur, pour l’écarter de façon plus violente et plus officielle de cette sélection, même si les équipes dirigeantes arrivaient à changer ? Emilio Nsue était allé trop loin dans ses accusations contre les membres de la fédération. Il n’est pas exclu qu’ils aient convoqué l’apocalypse comme réponse à sa charge. Et c’est dommage !
Martin Camus MIMB