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Claire Stride : « Les gens se mettent en couple pour ne pas finir seul »

Claire Stride est consultante en intelligence relationnelle et émotionnelle. Experte en neurosciences cognitives et neurosciences affectives, elle intervient auprès d’entreprises et de particuliers. Elle s’illustre par son engagement envers le couple, en aidant des femmes et des hommes à sortir de leurs schémas toxiques. 

Audrey Makiesse : Pourquoi avons-nous l’impression que les femmes et les hommes ne se comprennent plus en 2024 ? 

Claire Stride : J’aime bien la question qui a été posée en amont parce que j’aimerais savoir à quel moment on s’est compris. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’aujourd’hui, on ose dire qu’on ne se comprend pas et je pense que c’est déjà un premier pas. 

Audrey Makiesse : Quels sont selon vous, les défis auxquels sont confrontés les relations de couple en 2024 ?

Claire Stride : Les défis sont multiples. Aujourd’hui, la femme ose dire à son mec : « Ce que tu me proposes, ça ne me convient pas complètement. Non, je ne vais pas rester dans l’ombre ou encore, j’ai envie de faire une carrière et je ne veux pas m’occuper des enfants tous les jours car j’ai envie d’avoir une vie ». C’est là où le déséquilibre est flagrant. 

Les femmes osent non seulement prendre leur place mais aussi parler et dire que toutes les violences subies dans le passé ne sont pas normales. Ce sont toutes ces choses-là qui créent le chaos total dans une relation de couple. Il y a à la fois, la relation d’amour, la relation de construction familiale avec les deux parents qui gèrent les enfants et enfin la rupture car il n’y a plus vraiment de couple qui dure. 

Audrey Makiesse : Qu’est-ce que la multiplication des ruptures signifient ? 

Claire Stride : On repart dans des nouvelles expériences mais ça foire tout le temps au même endroit. Après la deuxième, troisième et quatrième histoire, on ne veut surtout pas vivre ce qu’on a vécu la première fois. Mais nous sommes quand même ancrés dans des foutus schémas, installés bien au fond de nous. 

Audrey Makiesse : Est-ce que vous pensez justement que les difficultés que rencontre le couple sont liés à l’émancipation de la femme et leurs revendications notamment depuis le mouvement MeToo ? 

Claire Stride : C’est une réflexion que je ne m’étais pas directement faite, donc j’aimerais bien creuser cet aspect-là. Mais quand on y pense, c’est complètement lié en fait. C’est-à-dire qu’il y a plusieurs choses. On peut même aller sur la revendication du genre, la revendication du rôle des femmes et des hommes. Si vous regardez, on en est encore à des moments où aujourd’hui, on peut dire  : « c’est la première femme qui… » quand on est en 2024, à quel moment on va encore se dire c’est la première femme qui ? Encore sur des millions d’années d’humanité ?

Audrey Makiesse : Comment cette évolution des mentalités impacte la relation entre les deux sexes ? 

Claire Stride : Il y a peu, on faisait porter tout le poids sur les femmes de façon totalement naturelle. On leur disait : « Tu es femme, tu es mère, tu gères le foyer. Tu vas éviter d’avoir l’ambition, s’il te plaît.  Tu n’es pas là pour prendre la place des hommes et surtout, apprends à rester à ta place ».

Sauf que les femmes, elles sont non seulement sorties de leur place mais elles se sont aussi battues pour revendiquer leurs droits. Un droit à disposer de leur corps, un droit d’égalité en matière de loi sur le travail et le droit d’être prise au sérieux, même si nous n’y sommes pas encore. Et c’est toutes ces choses-là qui sont mises en avant et qui sont totalement décriées, notamment par les extrêmes. Ils montrent  la femme comme étant quelque chose qui fait peur aux  hommes. D’ailleurs, certains disent ne plus savoir comment se comporter en présence d’une femme. C’est dramatique pour eux aussi parce qu’ils sont complètement perdus dans leurs codes genrés où l’homme doit avoir sa place.  Alors que  nous savons que beaucoup d’hommes ne sont pas comme ça. Conséquence, tout le monde est largué. 

Audrey Makiesse : Vous diriez que la perception du couple a évolué en même temps que les femmes ? 

Claire Stride : Tout à fait. En fait, la femme est un peu, comment dire, celle qui donne le ton dans le couple quelque part. C’est-à-dire qu’en fonction du comportement de la femme,  l’homme va essayer de s’adapter. Étant dans une nouvelle génération, la génération Z, les papas mettent maintenant la main à la pâte et certains laissent leurs femmes avoir une carrière. On est dans une vraie évolution de la mentalité masculine. C’est certain qu’aujourd’hui, les hommes sont tout à fait prêts à  faire de la place aux femmes. 

Audrey Makiesse : Avec tous ces changements, que devient le couple ? 

Claire Stride : Tout ce qui a été mis en avant amène à se repositionner sur la logique de couple. Le couple, c’est à la fois une logique sociale, une relation entre deux personnes, mais c’est aussi toute la grande thématique de l’engagement qui fait flipper à peu près la moitié de la population. 

Audrey Makiesse : Justement, pouvez-vous me dire si les réseaux sociaux influent de manière négative sur la façon dont nous formons ce couple  et la manière dont on maintient les relations amoureuses ? 

Claire Stride : Oui, j’aurais tendance à aller dans votre sens. Aujourd’hui, dans le couple il y a la femme, l’homme, le smartphone de l’homme et celui de la femme. Ça fait quatre personnes plus les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux sont directement liés à notre cerveau et  fonctionnent avec le statut de la récompense. Si tu postes une photo et qu’une personne “like” ton post, ça te fait du bien. Si tu vois une chose qui te plaît et que tu “like”, ça te fait du bien aussi. 

La difficulté avec les réseaux sociaux, c’est qu’on est connecté à des millions de personnes. Certes, c’est fantastique mais ça laisse la porte ouverte à zéro limite. Je reçois tellement de mails de femmes qui me disent : «  Mon mec like les photos d’une telle sur instagram, est-ce que ça veut dire qu’il ne m’aime plus ? » ou encore « Est-ce qu’il va me quitter ? ».  La vraie question qu’il faut se poser c’est : « Qu’est-ce que ça nourrit chez l’autre, le fait d’aller liker, mater et regarder des profils ? » Ça permet de flirter tout le temps avec les limites voire de les dépasser. Alors oui, les réseaux sociaux sont néfastes dans le cas où ils sont utilisés pour fuir sa vie.  

Audrey Makiesse : Alors c’est quoi le secret pour qu’un couple dure en 2024 en prenant en compte l’impact des réseaux sociaux ? 

Claire Stride : La clé, c’est la communication. Mais c’est une communication dans laquelle on arrive à cette fameuse intelligence relationnelle et émotionnelle. Il faut arriver à parler à ton conjoint et éviter d’établir une relation fusionnelle avec ton smartphone plus qu’avec ton conjoint ou ta conjointe. Au-delà des réseaux sociaux, il y a  la relation avec le téléphone qui joue un rôle. Je reçois beaucoup de témoignages de femmes qui racontent que leur conjoint reçoivent beaucoup de messages whatsapp, de sextos etc. Donc, il faut repartir de la base, communiquer et être clair dès le départ. Il y aussi autre chose, il faut être conscient des choses et arrêter de chercher le couple parfait. 

Audrey Makiesse : La communication c’est vraiment la clé ?

Claire Stride : Oui. C’est très important de communiquer parce que tous ces réseaux sociaux, tous ces objets virtuels, nous rattrapent complètement. Les réseaux sociaux ont ce pouvoir de nous faire nous sentir seuls. Alors, il faut à tout prix éviter ce truc horrible de, non seulement, se sentir seule dans le monde mais aussi dans son couple. L’hormone de l’amour et de l’attachement, l’ocytocine, elle ne se fait que par le contact physique. De fait, on ne peut pas s’attacher à quelqu’un de virtuel, on ne peut que le fantasmer. Mais rien ne permettra de créer quelque chose de réel. Toute la difficulté aujourd’hui, c’est qu’on est totalement dans le virtuel et le fantasmer.  La conséquence, c’est qu’on dénigre ce qu’on a.

Audrey Makiesse : Retenons que la communication est un élément clé pour la construction du couple. Est-ce que les couples d’autrefois duraient plus longtemps ? 

Claire Stride : Oui, les couples de nos parents ou de nos grands-parents duraient plus longtemps qu’aujourd’hui. Après il faut leur demander s’ils étaient heureux, ça c’est une autre question. Et en réalité, posons-nous la question de pourquoi ils duraient. Parce qu’il y avait le poids de la religion. À l’époque, quelle que soit la raison, on ne détruisait pas une famille. Encore aujourd’hui, je reçois plein de messages de personnes qui me disent : « Je reste parce que je ne veux pas faire souffrir les enfants ». Alors que c’est pire. Il y a ce poids qui est porté sur la femme avec cette fausse croyance “Si je pars, je brise ma famille” ou encore “Quelle mère serai-je?” Il y a vraiment une pression sociale, un jugement constant sur la femme dans notre société, responsable de tous les maux. 

Audrey Makiesse : Avez-vous un exemple d’un ingrédient qui permet au couple de fonctionner ? 

Claire Stride : Un autre ingrédient secret, c’est d’apprendre à s’extirper du quotidien, de cette espèce de résistance du quotidien et d’arriver à s’organiser des week-ends et des moments à deux. On construit sur des moments de célébration de soi et de l’autre. Il faut arriver à prendre un temps de qualité de vie pour le couple. C’est ce que je vois avec les milliers de personnes avec qui je travaille. Elles oublient de parler d’amour et elles oublient de donner cet amour à l’autre. Par exemple, un petit post-it sur le miroir de la salle de bain ou une surprise à l’autre, il n’y a que ça de vrai. 

Audrey Makiesse Est ce que la routine tue les couples ? 

Claire Stride : La routine, est un des facteurs dominants dans les ruptures. Il y aussi la peur de l’engagement. Ce sont les deux principaux facteurs qui stressent les couples. Aujourd’hui, on entre vite dans une routine parce qu’on entre dans une deuxième voire une troisième relation avec les enfants en plus à gérer. Parfois, certains couples sont obligés d’accélérer la relation pour des raisons pratiques. Pour eux, c’est plus simple d’avoir tout le monde sous le même toit. 

La peur de l’engagement est aussi problématique. C’est quelque chose qui revient beaucoup dans les cercles de discussions des femmes. Les hommes ne veulent pas s’engager parce qu’ils sont terrifiés. Depuis toujours on leur explique que la femme, c’est la fin de la liberté. On fait des vannes sur le sujet et les images autour du mariage leur font peur : “On passe la corde au cou” ou encore “ On met les menottes”. Elles sont violentes ces images. Il y a vraiment toute une culture populaire qui rappelle à l’homme que lorsqu’il se case au premier sens du terme, sa vie est finie. 

Alors qu’aujourd’hui, un homme peut fréquenter qui il veut et quand il veut pour garder sa liberté. Oui mais ça aussi, ça reste de l’ordre du fantasme. Quand on va un peu plus en profondeur, on se rend compte que ce modèle-là, ils n’en veulent pas car ils y sont malheureux. C’est un modèle sans fin, de consommer à l’infini sans limite. 

Audrey Makiesse : Alors les hommes aussi cherchent  l’amour ? 

Claire Stride : Oui, je pense que même eux sont à la recherche de l’amour et de la personne qui pourra les combler. Mais, il faut faire attention aux profils d’attachement insécure. Ils ont été blessés dans le passé et ressentent encore aujourd’hui cette blessure. Certains hommes sont tombés très amoureux à 14 ou à 18 ans. On leur a brisé le cœur et ils sont promis que plus personne n’allait leur refaire revivre ça. Le problème c’est que personne ne leur a expliqué que l’amour ça fonctionne comme ça. C’est quelque chose qui fait grandir. En fait, la clé c’est de rééduquer tout le monde.

Audrey Makiesse : Les gens croient toujours en l’amour ? 

Claire Stride : En fait, c’est plus complexe. Le gens se mettent en couple pour ne pas finir seuls ou ils se mettent avec quelqu’un parce qu’ils ont besoin d’être aimé. On veut être avec quelqu’un parce qu’on a besoin de voir dans les yeux de l’autre qu’on est quelqu’un de bien, qu’on est potentiellement aimable. Sauf qu’on oublie que la première personne à aimer de tout son cœur, c’est soi-même. C’est ce qui nous permet d’attirer à nous, des gens qui vont nous aimer, pour qui nous sommes et pas pour qui ils veulent qu’on soit.

Donc, célébrer l’amour, le vrai, c’est chouette mais on se rend compte qu’en fait on reproduit inlassablement les schémas avec lesquels on a été éduqué. Quand on vit une histoire qui nous  fait du mal, c’est un travail à faire sur soi d’en sortir et après il faut arriver à trouver du plaisir dans une autre relation. C’est pour ça que je parle de sortir de la culpabilité pour aller dans la responsabilité.

Site : clairestride.fr

Instagram : https://www.instagram.com/claire_stride_atypique/

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