Les droits de retransmissions. Les contraintes de diffusion. L’intérêt du public africain et la réalité du contexte audiovisuel en Afrique.
L’Euro au Centre des Intérêts Footballistiques en Afrique
Y-t-il un intérêt pour les africains dans le déroulement de l’Euro, la compétition de football du vieux Continent, l’équivalent de leur Coupe d’Afrique des Nations ? oui. Sans aucune hésitation, et pour plusieurs raisons. L’Euro est quasiment la continuité de l’UEFA Champions League, avec les mêmes joueurs à quelques exceptions près. Mais l’intérêt des africains pour l’Euro est aussi lié à un marketing sauvage des talents européens en direction du Continent, pris dans le piège du satellite européen ! Avec le bémol que si le marketing à outrance de la Champions League et de ses talents était l’élément décisif d’attrait des africains pour l’Euro, il y aurait forcément le même attrait pour la Copa America, qui aligne beaucoup de stars sud-américaines qui font les beaux jours de cette compétition. Même avec un Messi au sommet de son art, les africains n’ont qu’un intérêt très relatif de cette compétition, comparé à l’Euro. Il faut donc puiser des raisons ailleurs, sur le plan de la proximité culturelle peut-être, mais aussi des horaires de diffusion. Le décalage horaire avec l’Amérique en général, n’est pas pour aider. Ce qui veut donc dire que l’Euro reste au centre des intérêts footballistiques africains, avec cependant une variation dans son exposition.
La Bataille des Droits TV pour l’Euro 2024 en Afrique Francophone
Habitué à s’accrocher au bouquet Canal SAT et la diffusion de la compétition sur les chaînes Canal+, le public africain va vivre une approche différente de l’Euro. Supersport a gardé son hégémonie en Afrique anglophone. Par contre, New World Tv, qui est violement rentré en scène lors de la dernière Coupe du monde en mettant les chaînes Canal+ sur la touche, a récidivé pour cet Euro 2024. La Chaine togolaise possède l’intégralité des droits en Pay-Tv sur tous les pays d’Afrique francophone et de l’Océan Indien. Problème, leur bouquet n’est pas disponible partout dans toutes ces zones, ou mieux, son accès n’est pas autant aisé que le dispositif Canalsat. La compétition, risque donc, pour cette édition, ne pas connaitre le même rythme de diffusion ou le même engouement que les éditions précédentes.
Quelques chaines de télévisions nationales en Afrique, se sont lancées dans la bataille de la retransmission de cette compétition. A cette date, la RTI en Côte d’Ivoire, la RTS au Sénégal, Canal 2 International au Cameroun, ont annoncé avoir acquis les droits dans leurs territoires respectifs. Mais là encore, il y a un souci dans la diffusion globale de la compétition.
Selon nos indiscrétions, le package auquel ces télévisions ont eu accès, ne comporte pas la totalité des matches. Il comprend le match d’ouverture, cinq matches de groupe, deux matches des seizièmes et des huitièmes, deux matches des quarts, un match des demi-finales et la finale. Ce qui fait un total cumulé de douze matches, sur les 54 qui seront disputés dans cette Euro. A peine, 25% de cette compétition. Mais cela a aussi une explication. Les enjeux des droits de retransmissions, sont devenus plus grands. On est passé du régime de la coopération avec Transtel ou Urtna qui mettait gratuitement à disposition le signal pour les jeunes télévisions publiques africaines en quête de contenus, pour le développement de l’environnement audiovisuel africain à grande vitesse. Les télévisions privées ont vu le jour, avec des gros moyens, la démocratisation satellitaire a créé l’appétit auprès du public qui ne peut pas se passer de voir les Mbappè, Bellingham, Lewandowski et autres Kane…de telle façon que l’Afrique est devenue un vrai marché, aidé en cela par l’extension des multinationales, avec les succursales fortes dans le continent et qui capitalisent à leur façon la présence de leurs marques vendues en Afrique dans ces compétitions.
Réseaux sociaux et droits de diffusion : l’Euro vécu pleinement en Afrique grâce au numérique
L’enjeu aujourd’hui n’est plus la popularisation de la compétition, mais l’occupation de la scène médiatique, avec des contenus qui rivalisent avec ceux de l’occident. Pendant la dernière Can d’ailleurs, on a vu la démonstration de force de NCI, Nouvelle Chaine Ivoirienne qui n’a cédé aucun espace de qualité et de contenu à des chaines comme Canal+ ou Beinsport, qui étaient sur la même compétition. C’est dire que la concurrence est rude. Il sera donc désormais de plus en plus difficile pour les africains, d’accéder avec une certaine facilité, à des évènements qui hier étaient plus accessibles. C’est la nouvelle loi du marché. A noter aussi, qu’un autre élément non négligeable attenue aussi la non diffusion intégrale de la compétition par les médias classiques. C’est le développement du numérique, qui a offert une palette de solutions à plusieurs. La solution Iptv a donc connu un boom dans le continent, et la plupart des écrans domestiques aujourd’hui ont des options de connexion à internet qui facilitent ces possibilités. Avec des bouts de résumés systématiques sur les réseaux sociaux des médias ayant des droits pour fidéliser un nouveau marché virtuel, l’Euro sera vécu de plein pot en Afrique, avec la liberté qu’offre le multimédia et qui tranche avec l’immobilité ancienne devant le tube cathodique.
Les compétitions interclubs de la CAF à la croisée des chemins médiatiques
Mais la question de fin est : Pourquoi les télévisions africaines, ayant les moyens de s’offrir les droits de l’Euro, ne montrent pas le même engouement pour les compétitions interclubs de la Caf ? Parce que l’Afrique n’a pas encore intégré, que savoir vendre ses produits, même en dépensant gros, est un investissement d’avenir. Parce que les Chaines comme Infosport ou l’Equipe, savent faire le service après-vente des matches diffusés par les grands acquéreurs, augmentant l’appétit. Mais les compétitions interclubs africains, même lorsqu’elles sont diffusées, où se fait le service après-vente ? Même les télévisions africaines préfèrent le mimétisme des chaines européennes et éloignent le public de la manne dormante à côté. Dommage.
Martin Camus MIMB